La vérité sur les arguments invoqués pour justifier

la destruction du Grand Écran Italie

 

 

 

 

 

 

1.  Argument N° 1 - Le Grand Écran subit la concurrence des multiplexes :

Selon la version officielle, l’activité du Grand Écran Italie, avec ses 650 places, serait incompatible avec celle du MK2 Bibliothèque et sa grande salle de 500 places. Or les mêmes raisons avaient été avancées pour justifier la fermeture par EuroPalaces du Kinopanorama en 2002, qui ne devait pas faire d’ombre au Grand Écran Italie, puis du Gaumont Gobelins Rodin en 2003, au prétexte d’une offre suffisante dans le quartier !

Effets pervers de cette logique : la raréfaction des salles menace désormais les autres salles du quartier.

2.  Argument N° 2 - Le Grand Écran a connu une baisse de fréquentation de 50% en 2004 :

Un des principaux arguments avancés par la société EuroPalaces pour rayer le Grand Écran Italie de la carte, repris par la Mairie de Paris et le Ministère de la Culture, serait « une baisse de fréquentation de 50 % en 2004 ». Or les chiffres montrent qu’en 2004 le Grand Écran Italie se maintenait régulièrement dans le peloton de tête des salles Paris-Périphérie.

Les propres chiffres d’EuroPalaces joints au dossier CDEC font état d’une baisse de seulement 4% en 2004 (voir : "Motivations de la demande") !

D’après les chiffres comparatifs 2004 (Tableau 1), si on appliquait aux autres salles les mêmes critères utilisés pour justifier la destruction du Gaumont Grand Écran Italie, il faudrait également raser le Gaumont-Opéra, le MK2 Nation, le Parnassien, le MK2 Bibliothèque, l’UGC Triomphe, l’UGC Convention, le Gaumont Alésia, le Gaumont Gobelins, le Mistral, le Bretagne et le Miramar.

D’après l’évolution de la fréquentation entre 1993 et 2005 (Tableau 2), même si depuis 2004 le nombre d’entrées passe sous le seuil de fréquentation, les recettes se situent encore au-dessus du seuil de rentabilité. Les chiffres font également ressortir le potentiel de la salle si elle bénéficiait d’une exploitation conforme à sa spécificité (au lieu d’être gérée comme n’importe quel cinéma de quartier).

Dans son communiqué de presse du 22/12/05, EuroPalaces fait valoir que le Gaumont Convention a réalisé plus de 425 000 entrées en 2004 avec 1 081 fauteuils répartis sur 6 salles (soit une moyenne de 393 entrées/fauteuils). D’après les 290 000 entrées (pour 848 fauteuils sur 3 salles) avancées par EuroPalaces dans ce même communiqué (301 000 selon d’autres sources), le Grand Écran totaliserait de 342 à 355 entrées/fauteuil. Résultats tout à fait honorables compte tenu de la médiocrité de sa programmation, et ne justifiant en aucun cas une telle condamnation [ratio identique à celui du Gaumont-Opéra, et supérieur au MK2 Bibliothèque (280) sur la même période].

3.  Argument N° 3 - Une chute de 12% en 2005 :

Or, d’après l’évolution 2004-2005 rapportée dans Le Film Français, la baisse de fréquentation du Grand Écran en 2005  (- 12%) se situe dans la moyenne nationale, et apparaît souvent même inférieure à celle des autres salles Paris-Périphérie :

Paramount Opéra : -11%, Rex : -20%, Gaumont Parnasse : -18%, Gaumont Aquaboulevard : -10%, Gaumont Grand Ecran Italie : - 12% ; Gaumont-Gobelins : -17%, UGC Gobelins : -11%, UGC Bercy : -11% ; UGC Lyon Bastille : -14%, UGC George V : -14%, UGC Maillot : -10%, UGC La Défense : -14%, Pathé Quai d’Ivry : -14%, Gaumont Disney Village : -24%, UGC Noisy le Grand : -21%, UGC Rosny : -11%, UGC Vélizy : -19%, Pathé Cyrano Versailles : -21%, Belle-Epine : -13%.

On peut par ailleurs s’interroger sur cette fermeture maintenue malgré la remontée des recettes depuis plusieurs mois et les records d’affluence enregistrés en décembre 2005 (+ 191 %, meilleur score de France). Sans compter le classement de la salle en tête du groupe pour la qualité de ses services.

Selon la mairie, les démarches auprès de repreneurs potentiels n’ont pu aboutir en raison de la baisse de fréquentation. Or ce sont justement les formidables potentialités de la salle qui ont motivé un candidat à la reprise du fond de commerce, dont le dossier a été présenté - puis rapidement écarté - à la Commission Départementale d’Équipement Commercial (CDEC) du 7/2/06.

D’après les salariés d’EuroPalaces le Grand Écran n’a pas bénéficié des attentions qu’une salle mérite lorsqu’elle est en difficulté… et aucun effort n’a été fourni par la direction pour améliorer sa programmation et éviter la désaffection du public. Désaffection aggravée par l’abandon de la plupart des dispositions du Cahier des Charges propres à valoriser la salle depuis 2001.

[Voir : "Dérives observées dans la gestion du GEI depuis la fusion des salles PATHE-GAUMONT au sein du consortium EUROPALACES en 2001"]

4.  Argument N° 4 - Un « déficit » inexpliqué :

Le Ministère de la Culture va jusqu’à invoquer une situation critique pour cet établissement, sans tenir compte des bénéfices en constante progression affichés par la société EuroPalaces !

Par ailleurs, aucun travaux ou investissement dans la salle ne vient justifier l’ampleur du déficit imputé au Grand Écran Italie.

5.  Argument N° 5 - Gaumont ne serait plus lié par le cahier des charges :

Toujours selon la version officielle, l'obligation pour Gaumont d'exploiter la salle expirerait en novembre 2006. Or d'après l'article 11, la durée d'exploitation du cahier des charges court pendant 15 ans à compter de l'achèvement du bâtiment, soit jusqu'au 2 juin 2008, le certificat de conformité faisant foi.

Gaumont a donc cessé toute exploitation deux ans et demi avant la date fixée, ce dont ni la CDEC ni les services de l'urbanisme n'ont tenu compte pour délivrer leurs autorisations.

En l’absence d’agrément de la Ville de Paris délivré durant la période de validité du cahier des charges, la vente, l’autorisation de la CDEC, ainsi que le permis de construire, ne peuvent être validés.

6.  Argument N° 6 - Il n’y a pas de repreneur :

Il n’y aurait d’après la mairie aucun investisseur intéressé à la reprise du Grand Écran ! Or dès octobre 2005 la candidature d’un exploitant indépendant - qui présentait de sérieuses garanties bancaires - s’est heurtée à une fin de non-recevoir de la part d’EuroPalaces, au prétexte que la salle était "déjà vendue" ! Aucun encouragement non plus du côté de la Mairie de Paris !

Depuis, des producteurs à la recherche de salles sur Paris se sont déclarés fortement intéressés par les remarquables potentialités de la salle ! Preuve supplémentaire qu’en dépit des demandes renouvelées des élus et associations, tout n'a pas été entrepris auprès des investisseurs tant publics que privés pour monter un dossier de reprise !

L’existence d’une promesse de vente signée dès octobre 2004 entre EuroPalaces et la société TEYCPAC, mentionnée dans la demande de permis de construire, démontre une fois de plus qu'aucune chance n’a été laissée au Grand Écran, dont la destruction programmée de longue date a été maintenue malgré ses bonnes performances.

 

7.  Argument N° 7 - Le Grand Écran relève du domaine privé :

Le Grand Écran relèverait du seul domaine privé, excluant toute intervention publique.

C’est compter sans la Convention liant Gaumont à la Ville de Paris et les obligations du Cahier des charges qui « trouvent leur cause dans le caractère "d’équipement culturel" du complexe audiovisuel, qui doit participer à l’animation du quartier et de l’arrondissement, caractère en considération duquel le prix du terrain est déterminé ». (Article 8 du Cahier des charges)

Ces obligations sont considérées « essentielles et déterminantes pour la VILLE DE PARIS, et s’intègrent étroitement à la politique de la ville pour laquelle la création, l’existence et le maintien de ce type d’équipement est essentiel… Ces motivations constituant un intérêt légitime et sérieux comme étant par nature des motifs d’intérêt général. »

Que la construction du GEI ait été présentée à l’époque comme "grand chantier de l’état" et "réalisation de la municipalité" confirme par ailleurs sa qualité d’équipement collectif d’intérêt public. La société exploitante (Gaumont) s’étant vu concéder un prix préférentiel du terrain par la Ville de Paris, en contrepartie d’engagements non respectés, le citoyen et le contribuable peuvent légitimement s’interroger sur cette opération commerciale, effectuée en l’absence de tout appel d’offres visant à pérenniser l’activité de la salle.

8.  Argument N° 8 - La salle ne peut prétendre à des aides publiques :

Le candidat-repreneur, désireux de faire jouer pleinement au Grand Écran son rôle de pôle d’animation pour le quartier, mentionne dans son dossier son intention de demander son classement « Art & Essai » en prévision de la programmation des deux petites salles. Pourquoi une telle mesure, qui bénéficie déjà au MK2 Quai de Seine, ne serait-elle pas applicable au Grand Écran Italie ?

Par ailleurs, sachant que l'ensemble des entreprises françaises perçoit jusqu'à 65 milliards d'aides publiques (soit 2 fois le budget de la défense et plus que celui de l'éducation), pourquoi une de ces innombrables formes d'aides (735 694 247 €) ne pourrait-elle s’appliquer à celle qui relancerait l'activité du Grand Écran, d’un intérêt public indéniable ?

9.  Argument N° 9 - Le quartier comporte suffisamment de salles :

Selon la mairie et le ministère, le quartier comporte un nombre suffisant d’écrans, sans qu’il soit jamais fait mention des atouts exceptionnels de cette salle unique en Europe, conçue aussi bien pour le spectacle vivant, les émissions et retransmissions télévisuelles, les concerts, congrès, etc…

Or le Grand Écran, par sa position centrale au cœur de l’Ile-de-France, doté d’un parking souterrain et accessible aux handicapés, constitue non seulement une précieuse salle de proximité pour les riverains, mais un pôle d’attraction inégalé pour les parisiens et les franciliens, parfaitement desservi par les transports en commun, proche des gares et du périphérique.

L’ouverture du MK2 Bibliothèque à la périphérie-Est de l’arrondissement est donc loin de compenser la perte de cette salle, succédant déjà à de nombreuses fermetures dans le quartier depuis 30 ans : le Galaxie (ancien Fontainebleau), l’Orient-Ciné, le Paramount-Gobelins, le Paramount-Galaxie (4 salles), le Gaumont Gobelins Rodin, et le Barbizon (Silverscreens).

Situation d’ailleurs admise par des élus de tous bords, qui reconnaissent le déficit en lieux culturels de l’un des trois arrondissements les plus peuplés et les mieux desservis de la capitale, et le rôle majeur du Grand Écran Italie pour le 13ème.

[Voir "La désertification culturelle du 13ème arrondissement"]

10.  Argument N° 10 - Les spectateurs préfèrent changer de quartier :

On constate que c’est à l’inverse la pénurie de salles qui pousse les cinéphiles à délaisser le secteur (Voir : Journal du 13ème - Avril 06 : "Quand une salle ferme, les spectateurs changent de quartier").

Plus grave encore : depuis la fermeture par EuroPalaces du Gaumont Grand Écran Italie en 2006, succédant déjà à celle du Gaumont Gobelins Rodin en 2003 (au prétexte d’une offre cinématographique suffisamment riche dans le quartier !), il n’y a désormais plus assez de salles autour de la Place d’Italie pour faire face aux sorties de films. A terme, ce sont tous les cinémas du quartier qui risquent de disparaître.

11.  Argument N° 11 - La salle ne serait pas "aux normes" :

Vérification faite, d’importants travaux de remise aux normes de sécurité (détection incendie, désenfumage…) avaient été effectués moins de deux ans avant sa fermeture.

12.  Argument N° 12 - L’ouverture des enseignes « Habitat » et « H&M » rééquilibrerait le Centre Commercial Italie2 :

Le Centre Commercial Italie 2 (place d’Italie) comporte à ce jour 48 magasins sur 124 dédiés au textile. Depuis l’installation en mars 2007 d’une nouvelle boutique consacrée à la mode enfant, le plafond maximal de 39% à ne pas dépasser selon les normes des centres commerciaux (Le Parisien - Déc.03) risque d'être déjà franchi avant toute implantation d'H&M. Situation qui rendrait caduque la décision de la CDEC du 22 juin 2006.

Beaucoup de riverains se plaignent par ailleurs de la surabondance de boutiques de vêtements dans le Centre Commercial, dont certaines ont déjà supplanté une Librairie très appréciée (Flammarion) et une superbe Brasserie à l’ancienne avec salons de réception (Le Rozès), qui manquent à présent au quartier.

De plus, il est loin d’être prouvé que le remplacement d’un pôle d'animation de l’envergure du Grand Écran par des enseignes commerciales déjà accessibles à quelques stations de métro apporte quoi que ce soit au quartier, et constitue un bon choix économique à long terme pour l’arrondissement. Etrange politique à l’heure où la plupart des centres commerciaux se dotent d’équipements cinématographiques susceptibles de drainer un surcroît de clientèle vers leurs boutiques !

Enfin aucune étude n'a été faite sur l'impact négatif (circulation et pollution) que risque d’entraîner l'afflux quotidien de véhicules supplémentaires dans le quartier (camions de livraisons et voitures) suite à l'installation d'une grande surface dédiée à l'équipement de la maison.

13.  Argument N° 13 - De piètres compensations, des promesses non tenues et des missions trahies :

La Mairie de Paris fait valoir dans son communiqué du 2 janvier 2006 que « la société EuroPalaces prévoit, dès fin janvier 2006, de mener des travaux d’amélioration des salles du cinéma Gaumont Gobelins Fauvettes ». Or à ce jour, à part un vague toilettage de la façade, ces salles vétustes, qui ne sont même pas aux normes, n’ont bénéficié d’aucune rénovation. Des rumeurs courent même sur leur fermeture programmée !

Quant à « l’hébergement des collections de la Fondations Pathé qui sera ouverte aux chercheurs et au public au Gaumont Gobelins Rodin » annoncé par Serge Blisko depuis mai 2005, ce projet s’il se réalise un jour, réservé principalement à un noyau de spécialistes, sera loin de compenser la perte pour le quartier d’une salle telle que le Grand Écran ayant vocation à rassembler un large public populaire au cœur du 13ème arrondissement  (Voir : "Un marché de dupes").

Enfin l’abandon du Grand Écran Italie par nos représentants élus du peuple vient contredire l’engagement public du Maire du 13ème en faveur de la salle en février 2005, les déclarations de Jacques Chirac sur l’exception culturelle aux Rencontres Européennes de la Culture, ainsi que les missions de nos pouvoirs publics en matière de culture et de patrimoine.



Ø ×