GRAND ÉCRAN ITALIE : « Une disparition programmée de longue date »

 

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      I           Des dés pipés d’avance

 

 

 

      II          Des prétextes fallacieux

 

 

 

      III         Un cahier des charges non respecté

 

 

 

      IV         Un marché de dupes

 

 

 

      V          Une interprétation aussi floue qu’erronée du délai de validité du Cahier des charges

 

 

 

      VI         Des dossiers incomplets, des arguments spécieux

 

 

 

      VII        Pas le moindre plan de sauvetage à l’horizon

 

 

 

      VIII       Le Grand Écran : un alibi culturel pour une opération de spéculation immobilière ?

 

 

 

      IX         Un silence assourdissant des pouvoirs publics

 

 

 

      X          Des travaux illégaux ?

 

 

 

      XI         Le Grand Écran Italie : un pôle d’attraction irremplaçable pour le sud-est parisien

 

 

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I           Des dés pipés d’avance

Début 2005, l’annonce de la fermeture pour juillet du complexe cinématographique « Grand Écran Italie » émeut les cinéphiles et inquiète les élus. Avertis par voie de presse, les riverains s’insurgent contre la disparition de cette salle emblématique du 13ème arrondissement de Paris, au profit de boutiques déjà surabondantes dans le centre commercial Italie2 (enseignes annoncées : "Habitat" et "Esprit", puis "H&M").

Mais le Grand Écran se trouve déjà condamné par une promesse de vente conclue dès octobre 2004 entre la société exploitante EUROPALACES (fusion PATHE-GAUMONT) et la SCI FONCIERE TEYCPAC.

Le désaccord clairement exprimé des parisiens et des franciliens, la mobilisation des élus et associations, de récents records d'affluence, sans compter une programmation prévue pour 2006, n’empêcheront pas  EuroPalaces d’annoncer en décembre 2005 l'arrêt définitif de l’exploitation pour le début de l'année. Le 2 janvier 2006, le Grand Écran Italie baisse le rideau, au mépris du public et de la vocation culturelle du lieu dûment établie par le Cahier des Charges liant GAUMONT et la VILLE DE PARIS (p.10 à 19 de la promesse de vente).

 

 

II          Des prétextes fallacieux

Pour toute explication, EuroPalaces invoque une baisse de fréquentation de 50% en 2004, et un chiffre d’affaires 2005 inférieur à 2004 (voir : 13EspritMedia) ! Or ces chiffres, repris par la Mairie de Paris et le Ministère de la Culture, s’avèrent faux dans le premier cas, et conformes à la moyenne nationale dans le second.

(Voir : "La vérité sur les arguments invoqués pour justifier la destruction du Grand Écran Italie").

Aucun des divers motifs avancés : concurrence des multiplexes / déficit inexpliqué (voir VIII) / caducité du cahier des charges / absence de repreneur / offre de salles suffisante dans le quartier… ne vient justifier la disparition du premier pôle d’attraction culturel de l’arrondissement, fréquenté également par un public venu d’Ile-de-France et de province.

 

 

III         Un cahier des charges non respecté

A aucun moment ne sont évoqués les atouts exceptionnels de cette salle unique en Europe, ses remarquables performances (techniques et fréquentation), pas plus que les véritables causes de sa baisse d’attractivité, due à la médiocrité et aux incohérences de sa programmation, ainsi qu’à l’abandon de la plupart des dispositions du cahier des charges propres à la rentabiliser : organisation de manifestations en tout genre (festivals, avant-premières…), retransmissions d’évènements sportifs, location pour congrès, conventions…« ces obligations trouvant leur cause dans le caractère "d’équipement culturel" du complexe audiovisuel, qui doit participer à l’animation du quartier et de l’arrondissement, caractère en considération duquel le prix de cession du terrain est déterminé » (Art. 8).

Voir : "Dérives observées dans la gestion du GEI depuis la fusion des salles Pathé-Gaumont au sein du consortium EuroPalaces en 2001".

Que la construction du GEI ait été présentée à l’époque comme grand chantier de l’état et réalisation de la municipalité vient par ailleurs confirmer son indéniable intérêt collectif. Un prix préférentiel du terrain ayant été concédé par la Ville de Paris à la société exploitante (Gaumont), en contrepartie d’engagements non respectés, sa vente au seul nom d’intérêts commerciaux viole l’esprit de son cahier des charges, aux règles clairement énoncées.

 

 

IV         Un marché de dupes

En compensation, la Mairie fait valoir un accord conclu avec EuroPalaces pour l’installation des Archives du Cinéma au "Gaumont-Rodin", fermé en 2003, et la rénovation des salles du "Gaumont-Fauvettes", ces mesures permettant « de conserver une activité culturelle et cinématographique qui contribueront à l'animation du quartier ». (Voir : Motivation de la demande du dossier CDEC)

Or l'obligation pour l'exploitant « de participer à l'animation du quartier et de l'arrondissement » s’applique au seul complexe audiovisuel Grand Écran, et non à une autre structure.

Il n’y a par ailleurs aucune commune mesure entre l’activité d’une salle destinée à un public restreint de chercheurs et d’étudiants, et celle d’un équipement polyvalent tel que le Grand Écran, ayant vocation à rassembler un large public populaire. 

Un tel accord ne peut en aucun cas remplacer l’agrément de la Ville, voté en Conseil de Paris, requis pour toute mutation de propriété ou d’usage, pendant un délai d’au moins vingt ans à compter de l’achèvement du bâtiment. (page 11 de la Promesse de Vente)

 

 

V          Une interprétation aussi floue qu’erronée du délai de validité du Cahier des charges

Les conditions particulières insérées à la promesse de vente du 28/10/04 stipulent l’obligation pour l’acquéreur (p.11) :

6°/ « de ne subdiviser en aucun cas en propriété le lot correspondant au complexe audiovisuel… sa cession… sous réserve d’agrément de la VILLE DE PARIS … devant rester intangible » (Art.2) ;

7°/ d’obtenir « l’agrément de la VILLE DE PARIS requis pour toute mutation de propriété ou d’usage intéressant le complexe audiovisuel » (Art. 9)

Cet agrément est essentiel et déterminant pour la VILLE DE PARIS. Il s’intègre étroitement à la politique de la ville pour laquelle la création, l’existence et le maintien de ce type d’équipement est essentiel. Il s’imposera à tout acquéreur ou sous-acquéreur pendant un délai d’au moins vingt ans à compter de l’achèvement.

L’acquéreur reconnaît expressément que ces motivations constituent un intérêt légitime et sérieux comme étant par nature des motifs d’intérêt général. ».

9°/ « de respecter le cahier des charges… établi pour l’exploitation du centre audiovisuel » (or les obligations de programmation, détaillées pages 16-17 de la Promesse de Vente, ne sont plus respectées par EuroPalaces depuis 2001) ;

En 1991, après réduction du délai de 20 ans initialement prévu, la durée d’exploitation du Cahier des Charges est « limitée à 15 ans à dater de l’achèvement du bâtiment » (Art. 11, p.19).

Pour justifier l’impasse faite sur l’agrément de la Ville, EuroPalaces et les instances officielles se retranchent derrière une date de caducité du cahier des charges pour le moins fluctuante :

Dans son courrier du 30 juin 2005, la mairie de Paris mentionne une « date d’achèvement du bâtiment au 24 décembre 1992 » (qui porterait le délai de validité au 23 décembre 2007), contredisant son communiqué officiel du 27/6/05 : « l’exploitant doit requérir l’agrément de la Ville jusqu’en novembre 2006 seulement ».

De son côté, l’avenant à la promesse de vente du 13/10/05 affirme : « dans l’état actuel des connaissances des parties, la date de caducité de l’obligation d’agrément préalable de la Ville de Paris intervient au 12 mai 2007 » ! Or les autorisations des services administratifs ont été délivrées antérieurement. A aucun moment il n’est fait mention du certificat de conformité délivré par l'administration le 3 juin 1993.

Ce point crucial pour la validation du dossier aurait ainsi fait l’objet de la plus grande imprécision !

 

 

VI         Des dossiers incomplets, des arguments spécieux

Les autorisations de la Ville de Paris, libres de tout recours, dont le caractère obligatoire est dûment rappelé p.19 de la promesse (Engagement du promettant), ne figurent ni au dossier soumis à la Commission Départementale d'Equipement Commercial du 22/6/06, ni à la demande de permis de construire (accordé le 5/3/07 en dépit des déclarations du maire du 13ème en janvier 2007).

Dans les deux cas, une phrase tout aussi sibylline justifie cet "oubli" : « Suivant des analyses juridiques convergentes, l’arrivée à expiration du cahier des charges interviendrait en octobre 2006 » !

[Voir : Conformité de l’Opération au Cahier des Charges (CDEC) et Notice de présentation du projet (PC)]

Or en octobre 1991 (soit 15ans plus tôt), date de l’approbation du nouveau Cahier des charges en Conseil de Paris, le bâtiment se trouvait loin d’être achevé.

Ainsi les services de l’urbanisme auraient pris leur décision au vu de dossiers incomplets,

sur la base de dates hypothétiques qu’aucun document ne vient étayer !

La CDEC a par ailleurs fondé son autorisation au principal motif « que ce projet s'implante sur une friche commerciale existante provoquée par la fermeture des cinémas ». Or l’existence même de la promesse de vente datée d’octobre 2004, qui fait état de l’opération commerciale, suffit à prouver que c'est bien cette opération prévue de longue date qui a créé la friche, en provoquant la fermeture du complexe audiovisuel, et non l’inverseEn attestent les annonces par la presse dès le début 2005 de l'arrêt de toute exploitation par Gaumont, et la mention des futures enseignes, bien avant la fermeture de la salle et la présentation du dossier en CDEC !

 

 

VII        Pas le moindre plan de sauvetage à l’horizon

Aucun appel d’offres visant à maintenir l’activité du Grand Écran n’est lancé préalablement à la promesse de vente auprès d’investisseurs à la recherche de salles de spectacle sur Paris.

Les candidats à la reprise de l’exploitation cinématographique sont rapidement dissuadés au prétexte que la salle "est déjà vendue" (voir courriers de M. Klisaric, exploitant indépendant, dont le projet présenté en CDEC le 7 février 2006 - en tous points conforme au cahier des charges - bénéficiait du soutien du CIC) .

Malgré l’engagement public de Serge Blisko en février 2005 de « s’opposer par tous les moyens juridiques et politiques à la transformation en magasins de la salle », les quelques tentatives du maire du 13ème auprès de repreneurs potentiels n’interviennent que plusieurs mois plus tard, soit un an après la signature de la promesse de vente ! (Voir : "Nos élus et le Grand Écran" et courrier d’UGC à Serge Blisko du 2/12/05).

 

 

VIII       Le Grand Écran : un alibi culturel pour une opération de spéculation immobilière ?

Sur la base d’une prétendue chute d'exploitation, EuroPalaces fait valoir un important endettement financier, dont il est impossible de savoir à quelle opération d'investissement il peut se rapporter, la salle n’ayant fait l’objet d’aucune rénovation particulière. Ce qui n’empêche pas ladite société d’afficher par ailleurs une insolente santé financière (voir : Rapport d’activité EuroPalaces-Italie et "EuroPalaces, des bénéfices en constante progression")

L’analyse du dossier laisserait plutôt entrevoir un montage de spéculation immobilière prévu de longue date, en vue de laquelle on aurait délibérément laissé "dépérir" la salle.

 

 

IX        Un silence assourdissant des pouvoirs publics

Comment interpréter l’absence totale d’intervention des autorités concernées pour faire appliquer le cahier des charges censé protéger la salle de tout changement d’affectation, la défaillance des uns servant à justifier l’immobilisme des autres dans ce dossier où chaque camp se renvoie la balle sur le dos du citoyen et du contribuable ?

Comment expliquer que les pressants appels des élus, riverains et associations de faire respecter les termes de la convention en cours se soient toujours heurtés aux réponses laconiques ou au silence gêné des pouvoirs publics ? (voir : "Courriers et communiqués 2005-2006")

 

 

X         Des travaux illégaux ?

Après avoir déclaré son intention d’attendre l’issue des recours engagés par l’Association

« Sauvons le Grand Écran » pour entreprendre les travaux (reportés en 2008 ou 2009),

la société Teycpac-Hammerson-Italie, bénéficiaire de la promesse de vente et propriétaire du centre commercial Italie2, annonce qu’elle s’apprête à entamer la démolition du complexe cinématographique,

sans attendre le jugement du Tribunal Administratif.

Or en l’absence d’agrément de la Ville de Paris, aucune cession
ni changement d’affectation des locaux ne peut être validé.
En violant directement le cahier des charges approuvé par le Conseil de Paris,
par voie de conséquence, une telle destruction pourrait se révéler illégale.

Au scandale de la fermeture effectuée au mépris de la convention en vigueur, s’ajouterait un gâchis lourd de conséquences, qui engagerait la responsabilité de la Ville de Paris.

 

 

XI        Le Grand Écran Italie : un pôle d’attraction irremplaçable pour le sud-est parisien

Avec son écran panoramique géant de 240 m2, son immense scène de 300 m2 (+ emplacement pour fosse d’orchestre, spacieuses loges équipées, vaste monte-charge directement relié au parking du centre commercial, coulisses et annexes techniques), le Grand Écran, conçu pour une infinité de spectacles et de manifestations, a parfaitement sa place au cœur d’un quartier parisien particulièrement bien desservi par les transports en commun, mais reconnu "en manque d’équipements culturels".

 


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